Flamenco…

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Florence est une Peepaulette originaire de la belle cité de Nîmes dont chaque pierre conserve en mémoire les richesses architecturales de l’Antiquité. Mais, qui n’a pas entendu parler de sa célèbre  Feria qui répand chaque année dans l’air du printemps, les rythmes envoûtants du Flamenco ? C’est donc avec beaucoup de chaleur et d’émotion que Florence partage avec nous aujourd’hui, ce qu’elle connaît de cet art.

flamenco 2.pngLe Flamenco est un art d’inspiration populaire, expression spontanée d’un peuple martyrisé. Un chant, beau jusqu’à l’angoisse… un chant grave, arraché il y a des centaines d’années de l’âme des gitans persécutés. Le Flamenco exprime toute une manière de ressentir la vie : depuis la naissance, la jeunesse, la séduction, l’amour, la maturité,  la prière  et la mort. Les mains tourbillonnantes, appellent, au dessus des têtes, la grâce, la légèreté du vol de la Colombe, l’esprit du Tout Haut ; les pieds frappent le sol pour affirmer la révolte de ce peuple, mais aussi leur présence. Quant à la façon de se positionner, par le mouvement des bras et des jambes, par les voiles légers des robes apparaît la grâce pure, le charme le plus violent, la passion, tentant de restituer toute une culture venue de l’Inde.
Peuples d’errants, c’est en 1438 pendant la domination islamique qui dura près de sept siècles (de 711 à 1492) que les gitans, originaires du Nord-Ouest du sous-continent indien, entreprirent une migration vers l’Ouest. En prenant des routes différentes ils atteignent l’Espagne : les uns par l’Iran, la Grèce, la Turquie, la Bulgarie (les Tziganes),  la Roumanie (les Romanichels), la France.
Après ce périple, ils arrivèrent en Catalogne puis en Andalousie. Les autres traversèrent successivement l’Egypte et le Maghreb.
Dans cette Europe médiévale, ils suscitent progressivement la frayeur, la curiosité. Sont-ils chrétiens ? Toute la question était là ! En Espagne, ils cohabitèrent avec des populations juives, arabes et chrétiennes, mais la tolérance culturelle pratiquée par les Maures ne résista pas à leur départ… Des lois anti-gitans furent promulguées, lois d’éradication et d’extermination ainsi que de déportation des survivants vers la Castille et les Asturies entre autres. C’est ainsi que la nuit, ils devaient s’élever au dessus du sol, pour dormir avec âmes et bagages dans les arbres,  faute de quoi,  ils pouvaient être exécutés,  finir en prison ou partir pour les galères du Roi.
Désormais ils seront traqués, chassés, emprisonnés et brûlés.
Dès lors, les Gitans abandonnent les villes et se réfugient dans les collines, ou les montagnes de l’Alpujarras. De 1502 à 1570, d’un bout à l’autre, l’Andalousie est à feu et à sang. Toute guerre connaît des trêves ; cependant, les Gitans réfugiés dans leurs maquis descendent la nuit rejoindre leurs femmes, pour repartir dans les montagnes avant l’aube. Traqués, pourchassés, ils courent de grottes en refuges, d’une sierra à l’autre.
Ils sont isolés du reste de la société et leurs créations artistiques se développent indépendamment.
Vanniers, forgerons, marchands d’animaux, épaississent encore plus le mystère qui les entoure,  par la pratique de la voyance, la cartomancie, la chiromancie et l’astrologie.
Ils proviendraient d’Égypte où ils  auraient été initiés aux mystères de la vie et aux redoutables pouvoirs d’Isis et d’Osiris. Il n’en faut pas plus pour que l’église les soupçonne de s’adonner à la Magie Noire, de commerce avec Satan.
Et pourtant, l’Espagne tira un gros avantage musical de l’héritage culturel laissé par les Maures, et on peut encore entendre cet impact dans la musique flamenca avec les techniques enharmoniques, utilisant des intervalles plus petits que le demi-ton.
Les Gitans sont de merveilleux musiciens ; ils s’imprègnent des sonorités musulmanes, telles que  celles d’un musicien de génie, du 10ème siècle, appelé Ziryab ; il venait de Perse. Lors de ses passages en Égypte, Syrie et pays du Maghreb, il glana différentes sonorités avec lesquelles  il composa. Il est à  l’origine de la musique dite ‘arabo-andalouse’.
Les Gitans adaptèrent les instruments de l’Orient avec ceux du Nord de l’Europe. Ainsi ils créèrent une musique faite de technique de chant fondée sur une émission d’arrière gorge. flamenco.pngC’est ainsi que naquit le FLAMENCO ; dans la joie la plus débridée ou la peine la plus terrible ; ce chant d’amour, de passion, laisse parfois passer l’ombre de la mort. La danse et le chant semblent empreint d’un profond mysticisme.
Ils s’inspirent aussi des chants liturgiques des mozarabes, ces chrétiens arabisés qui perpétuent la tradition d’un Grégorien byzantin, âpre et viril. Pour précision : par chrétiens arabisés, j’entends des chrétiens qui gardent leur religion mais vivent et adoptent les mœurs et coutumes arabes.
Enfin leur sensibilité est touchée par la musique de la Synagogue, par les berceuses, que les mères juives fredonnent le soir.
L’ensemble produit une atmosphère musicale unique,  les 3 traditions se mêlent de façon inextricable. Le dramatique juif, l’élégance maure et le mysticisme chrétien des Gitans. Cette fusion raconte  une histoire, un vécu tragique, la révolte, la prière, la nostalgie,  la joie,  la souffrance ;  le Flamenco sert d’exutoire pour évacuer ,exprimer toutes ces émotions.
Les Gitans ne savent pas déchiffrer une partition, ou un texte. Chez eux,  tout se transmet oralement, de Maître à Élève, ce qui favorise les innovations. Ils imprègnent leurs propres rythmes à tous ces chants et danses.
Bien plus tard, l’Art Flamenco, s’enrichit par l’écriture, la lecture ; des hommes et femmes vont tracer les premières partitions, écrire les premiers les textes.
Pour fêter le retour à une vie plus libre, les familles se rassemblent, la nuit, autour d’un feu, pour sceller toute sorte d’évènements : mariages, récits, baptêmes, communions sont inséparables des chants, musiques et danses. Dans cette paix précaire, un ancien « gratte » doucement les cordes d’une guitare.
Tous se taisent, dans l’attente. On croirait des spectres. Pas un son ne sort des lèvres scellées par des années de traque et d’embuscades.
Tout à coup quelques mots, on jette un encouragement « muy bueno » «  venga hombre, ole »… et là pour reprendre courage on tente le seul remède, celui qui délivre les mémoires de ce qui ronge les âmes : le Chant « el cante », le Piétinement des souliers « el zapateado », et démarre la frappe des mains « las palmas ».
Peut- être en cet instant le DUENDE, le DJINM des musulmans, cet esprit erre, la passion démarre, les femmes tournent, les hommes les provoquent, un cri terrible déchirant  aieyyiaieyy surgit, la fête « fiesta » commence. Les jupes volent, les tailles se cambrent, les mains et les bras tournent, appellent, la nuit sera belle, longue, et l’amour généreux.
En un bref instant tout doit être dit, jeté plutôt. Cela relève de l’évidence « si señor, asi se canta el cante jondo » littéralement « le chant profond », celui du fond de la gorge. (Ou des entrailles)
Avec le temps, le FLAMENCO désigne un art de plus en plus éloigné de ses sources. Aujourd’hui, grâce à un renouveau politique, le FLAMENCO, peut-être vu et entendu, de Madrid à Barcelone, comme à Séville. Peut-être même dans un club d’un grand hôtel international. Tout dépend par qui il sera interprété, écouté, regardé, dans le SILENCE le plus total, mais avec l’attrait et la compréhension du hasard que les Andalous appellent destin, il n’est pas exclu que les chanteurs ou les danseurs aient un problème affectif ou un enfant malade ou tout simplement de la nostalgie ou bu trop de vin. Sentiront-ils la présence de vrais amateurs : un seul critère le SILENCE pour laisser le « DUENDE » venir pour voir du grand FLAMENCO. Le « Cante » se reconnaît, en effet, au Silence qui le précède et le suit. Comme en amour on en ressent le surgissement dans un frisson, de l’angoisse dans un sentiment de plaisir. Aussi, n’y a-t-il rien de plus grotesque qu’une horde de touristes qui se mêlent aux « palmas » ou à la danse ?
Même quand il s’agit d’un spectacle, le « tablao » reste une liturgie.
N’officient, que les INITIES. Cela reste une affaire de « Casta ».
La passion de vivre exalté dans le « Cante sourd » d’un malheur immémorial. Le chant profond de la gorge, célèbre la ruine d’un passé de martyrs et la revanche, aujourd’hui, d’une certaine civilisation qui se reconnaît depuis 1936.
Cette haute et ancienne civilisation, dans son chant et ses danses, célèbre et rappelle le malheur des opprimés, des vaincus, leur désespoir et leur ténacité à constamment renaître.

 

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